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Vandalisme et agression du corps médical: L’enfer des internes en médecine

Les urgentistes déplorent le manque de sécurité en tous temps et essentiellement durant cette crise sanitaire sans égale avec un personnel soignant livré à lui-même devant toutes ces agressions dont les chiffres évoluent exponentiellement.


Depuis quelques jours, une vidéo qui fait le tour des réseaux sociaux, montrant un citoyen en train de frapper un médecin urgentiste dans l’hôpital régional Yasminette de Ben Arous, a suscité un tollé sur la toile. Cet incident n’est pas le seul et sera comme des milliers sans sanction, puisque la multiplication des attaques physiques et verbales ainsi que des actes de destruction de biens publics et de matériels médicaux dans les établissements hospitaliers sont un problème récurrent qui ne semble pas avoir de solution à l’heure où notre armée de blouses blanches est durement éprouvée par la lutte contre une pandémie non maîtrisée et s’efforce d’accompagner et de traiter les personnes malades, et ce, malgré les critiques. Mais dans ce contexte particulier, et malgré les conditions de travail difficiles comme le fait d’être exposés à la violence et le manque d’équipements ainsi que de personnel, cet incident ne peut pas passer inaperçu, même si ces mauvaises pratiques persistent et gangrènent le secteur de la santé en Tunisie depuis des années.

Le corps médical réagit

Très vite, de nombreux médecins ont réagi avec colère et indignation à cette énième attaque pour dénoncer la situation déplorable dans laquelle ils exercent et appeler à la protection du personnel soignant par des lois drastiques avec une tolérance zéro. Pour eux, ‘’ça sera le meilleur cadeau pour nos blouses blanches après ces 18 mois de sacrifices’’. Ils appellent, également, à l’obligation de sécuriser les unités covid-19 au moins en cette période très critique que connaît le pays, avec la présence obligatoire de policiers sur place. Les médecins plaident aussi pour inclure, dans les revendications des différents organisations et syndicats, l’assistance psychologique car, avec ce mouvement de panique générale, ce genre d’incidents est appelé à se multiplier et c’est loin d’être seulement une affaire de sécurité.

Ces revendications ont été suivies par une série de communiqués: le 21 juillet, l’Organisation tunisienne des jeunes médecins (Otjm) a dénoncé ces actes d’agression à l’encontre des médecins, soulignant la nécessité de sanctionner les agresseurs. L’organisation a, également, appelé les jeunes médecins à protester contre l’absence de sérieux dans le traitement du dossier des agressions des professionnels de la santé et la dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux et à assurer, notamment, la sécurité au sein des établissements hospitaliers conformément à l’accord conclu avec la présidence du gouvernement en date du 3 mars 2021, afin de préserver la dignité des jeunes médecins en leur versant les honoraires des horaires des permanences, outre la création de cellules d’encadrement psychologique dans les hôpitaux.

Pour sa part, le Conseil régional de l’Ordre des médecins de Tunis a publié, le 23 juillet, un communiqué, dans lequel il a exprimé le refus et la colère du corps médical et paramédical par rapport au crime odieux qu’a subi le médecin résident Youssef Ebn Ebrahim et son collègue Issa Darraji aux urgences de l’hôpital régional Yasminette de Ben Arous et appelle les responsables de l’Etat à réagir face à l’insécurité dans les structures sanitaires.

Quant à la Société tunisienne de médecine d’urgence, elle a mis en garde l’autorité de tutelle contre cette dérive dangereuse vers la violence contre les soldats de l’hôpital, toujours au premier rang dans toutes les crises sanitaires et les situations d’exception. Cette violence doit s’arrêter une fois pour toutes. Pour cela, la Stmu recommande d’appliquer la législation qui punit tous ceux qui agressent un fonctionnaire dans son travail, de proposer un nouveau texte de loi qui peut être inclus comme amendement dans le texte qui est en cours d’élaboration à propos de l’urgence sanitaire (ce nouveau texte stipulerait que l’institution peut porter plainte contre l’agresseur comme la victime et que la peine soit durcie par rapport aux lois usuelles en civil ainsi que l’amende) et de mettre en place un dispositif sécuritaire digne de ce nom dans tout service d’urgence.

«Nous constatons avec beaucoup de regret et amertume, que malgré la multiplication des actes de violence perpétrés contre nos collègues, aucune réaction concrète n’a été observée de la part des autorités ; à part quelques propos d’indignation mais rien sur le terrain. Faut-il attendre des désastres pour se rendre compte de l’ampleur du problème ? Faut-il baisser les bras et accepter la gabegie ? Notre société appelle les responsables concernés par ce service public, hautement sensible, pour qu’ils soient à la hauteur de leur mission», souligne la Stmu.

Urgentistes en colère

Pour leur part, les urgentistes du Grand-Tunis, médecins hospitalo-universitaires en médecine d’urgence, viennent de publier un communiqué pour dénoncer les conditions lamentables dans lesquelles ils travaillent tous les jours avec la présence quasi constante des accompagnants dans les aires dédiées aux soins covid, non covid et immédiatement aux accès de passage à ces aires.

Ces aires, n’étant pas sécurisées, entraînent une mise en danger de toutes les actions de soins en allant du secret professionnel, à l’impartialité des décisions médicales «où nous dénonçons des accompagnateurs qui interfèrent même de force dans ces décisions, à l’intimité des patients ainsi qu’à notre exposition inéluctable en tant que corps soignant à la charge virale occasionnée par le covid… Cette situation va, par ailleurs, à l’encontre de la circulaire ministérielle interdisant toute visite de surcroît en ces temps de covid», souligne le communiqué.

Les urgentistes déplorent, également, le manque de sécurité en tout temps et essentiellement durant cette crise sanitaire sans égal avec un personnel soignant livré à lui-même devant toutes ces agressions dont les chiffres évoluent exponentiellement. Ils dénoncent aussi l’absence de réactivité de la part de l’Administration pour la création de circuit sécurisé avec des portes blindées et une équipe renforcée d’agents de sécurité capables de veiller à la sécurité des lieux et du personnel et demandent, incessamment, l’implantation d’un poste de police in situ fonctionnel à plein temps pour chaque structure d’urgence et la sécurisation des aires de soins sans l’intervention des accompagnants. Toutefois, ils rappellent que, malgré ces conditions et cette situation, ils continuent à assurer les soins ‘’car il est de leur devoir ultime envers la patrie de le faire en cette situation de crise sanitaire sans égale’’.

L’instabilité politique toujours là !

Certes, cet incident ne restera pas sans suite. Mais après les derniers événements que connaît le pays et un contexte politique tourmenté, cela relève d’un vrai casse-tête. De l’autre côté, le citoyen lui-même assume une grande part de la responsabilité de cette situation puisqu’il ne cesse de perdre ses nerfs au sein des hôpitaux et des urgences, enchaînant ces actes de violences. Et dans ce contexte particulier, beaucoup de médecins se trouvent confrontés à l’agressivité de certains patients qui ne supportent plus l’attente ou la perte de l’un de leur proche…Cette situation s’amplifie d’une manière inquiétante d’un jour à l’autre, avec notamment un système organisationnel défaillant et une qualité relationnelle inconsistante. Mais la continuité de ces pratiques risque de faire effondrer le système tunisien de santé, qui est déjà fragilisé et en grande souffrance. Du coup, c’est la santé du citoyen qui est avant tout en danger.

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